Il est temps de passer à l’action : éthique, reconnaissance et transformation durable
La fonction RH est à la croisée des chemins. Longtemps cantonnée à un rôle administratif, puis sollicitée pour accompagner les mutations managériales et les transformations digitales, elle se retrouve aujourd’hui confrontée à une double exigence : incarner une vision stratégique tout en restant fidèle à sa vocation première, l’humain. Mais comment sortir de cette tension permanente entre performance et bienveillance, entre pression économique et responsabilité sociale ? Comment faire évoluer la fonction RH pour lui donner enfin le statut, les outils et la légitimité qu’elle mérite ? Voici quatre propositions concrètes pour en finir avec les incantations et initier un véritable tournant.
1. Créer un Ordre professionnel des Ressources Humaines : pour une reconnaissance statutaire et éthique
Pourquoi ?
La profession RH reste, dans la majorité des pays francophones, une « fonction », non une profession réglementée. Cela signifie qu’il n’existe ni serment, ni déontologie universelle, ni obligation de formation continue, ni reconnaissance juridique structurée. Or, les impacts des décisions RH sont considérables : gestion des carrières, recrutements, restructurations, santé mentale, risques psychosociaux… Pourquoi la société continue-t-elle à déléguer ces enjeux majeurs à des professionnels qui ne disposent pas d’un cadre de référence clairement établi ?
Ce que propose le modèle canadien
Au Québec, l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA) existe depuis 1965. Il regroupe des milliers de professionnels RH et impose une formation initiale, une certification, un engagement déontologique, et une actualisation continue des compétences. Ce modèle renforce la légitimité des RH auprès des directions générales, des salariés et de la société civile. Il élève la fonction à la hauteur de ses responsabilités.
Ce que nous proposons
Mettre en place un Ordre professionnel des RH au niveau national (voire européen) qui permettrait :
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D’encadrer l’accès à la profession,
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De certifier les compétences,
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D’instaurer un code éthique opposable,
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D’imposer un suivi de formation continue,
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De mieux défendre la profession face aux dérives de court terme.
L’objectif n’est pas de créer une corporation fermée, mais bien de structurer une profession autour de standards clairs, afin de restaurer la confiance et l’excellence.
2. Instituer une supervision obligatoire : faire des RH une profession réflexive
Le paradoxe actuel
On demande aux RH de gérer la détresse des collaborateurs, de déminer les conflits, de faire face aux burn-outs, tout en absorbant eux-mêmes des injonctions contradictoires. Pourtant, contrairement aux métiers du soin ou du développement personnel, aucune supervision régulière n’est exigée. Il n’existe que très peu d’espaces protégés pour évacuer les tensions, analyser les pratiques, prévenir les dérives.
Ce que font les professions connexes
Dans le coaching, la supervision est un rituel professionnel obligatoire. Elle permet aux coachs de rester alignés, d’éviter la projection ou la manipulation, de progresser sur des cas concrets. En psychologie, c’est même une exigence déontologique. Pourquoi les RH, qui accompagnent les transformations humaines et sociales des entreprises, en seraient-ils exclus ?
Ce que nous proposons
Rendre obligatoire la supervision pour toute personne en fonction RH à responsabilités, notamment dans les grandes organisations, les administrations publiques, ou les secteurs à fort enjeu humain (santé, éducation, justice sociale).
Cette supervision peut prendre la forme :
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De groupes de parole mensuels animés par un pair expérimenté,
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De séances individuelles avec un superviseur externe agréé,
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D’espaces de réflexion croisés entre RH, coachs, psychologues du travail.
Ce n’est pas une charge de plus, c’est un gage de qualité, de sécurité et d’intégrité pour la profession.
3. Favoriser un social learning structuré : intelligence collective et innovation concrète
L’illusion de la formation descendante
Trop de formations RH sont encore conçues de manière descendante, figées dans des référentiels rigides. Elles peinent à s’adapter à la complexité du terrain, aux contextes locaux, aux nouvelles pratiques issues du numérique ou de la transition écologique. Or, les RH sont au cœur des innovations sociales, mais manquent d’espaces pour les partager et les documenter.
L’intelligence collective comme levier
Le social learning – apprentissage entre pairs – permet de mutualiser les expériences, de faire remonter les pratiques efficaces, de se confronter à la diversité des situations. Encore faut-il structurer cette dynamique, pour qu’elle ne reste pas au stade de l’anecdote ou du partage informel.
Ce que nous proposons
Créer de véritables communautés apprenantes RH, avec des objectifs clairs, des outils collaboratifs, des temps de régulation et une animation professionnelle.
Exemples de dispositifs :
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Groupes de pairs mensuels sur des thèmes précis (QVT, recrutement inclusif, dialogue social, etc.),
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Laboratoires d’innovation RH réunissant chercheurs, praticiens et startups,
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Plateformes digitales d’entraide où les RH peuvent poser des cas pratiques, obtenir des retours, co-créer des solutions.
Il est temps d’investir dans une recherche-action RH, ancrée dans le réel, et valorisant les expérimentations réussies du terrain.
4. Dépolitiser la fonction RH : réaffirmer notre indépendance éthique
Le risque de l’instrumentalisation
Trop souvent, les RH sont perçus comme des relais de la direction générale. Ils exécutent les plans sociaux, appliquent des décisions opaques, masquent les tensions sous des chartes managériales sans effets. Résultat : perte de confiance des salariés, image dégradée de la fonction, et démotivation des jeunes diplômés.
Vers une posture d’indépendance
Les RH ne doivent pas être les agents de la communication managériale, mais les garants de l’éthique sociale. Ils doivent pouvoir dire non, alerter, proposer une autre voie. Cela suppose de clarifier leur rôle, de protéger leur parole, et d’assumer une certaine autonomie stratégique.
Ce que nous proposons
Intégrer dans le statut RH une clause d’indépendance éthique, à l’image du secret professionnel ou du devoir d’alerte.
Cela pourrait se traduire par :
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Un droit de retrait éthique sur certaines décisions,
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Un référent indépendant RH au sein du CSE ou de l’instance paritaire,
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Une traçabilité des alertes éthiques initiées par la fonction RH.
Les RH doivent devenir des acteurs de la transformation responsable, non des gestionnaires de conformité.
Passer de la fonction RH à la Profession RH
La RH de demain ne peut plus être une fonction caméléon, tantôt bras droit de la direction, tantôt fusible social. Elle doit devenir une profession au sens plein du terme, avec une identité claire, des règles partagées, une parole respectée, et une capacité d’innovation collective.
Créer un Ordre professionnel, instaurer la supervision, structurer le social learning et garantir l’indépendance éthique : ces propositions ne sont pas révolutionnaires. Elles sont nécessaires pour accompagner la complexité croissante du monde du travail.
Ce n’est pas une question de mode, c’est une urgence de transformation.
Et maintenant… que proposez-vous, vous ?
Sources
- Cursus RH professionnalisant
- E-learning RH sur YouTube
- Développer des compétences digitales et analytiques
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