De VUCA à BANI : comprendre le nouveau paradigme du monde professionnel
VUCA est mort, vive BANI. Nous passons donc de VUCA à BANI. Pendant des décennies, les entreprises ont façonné leurs stratégies et leur management à l’aune d’un monde VUCA — Volatile, Incertain (Uncertain), Complexe et Ambigu. Mais les bouleversements récents, amplifiés par les crises sanitaires, climatiques, sociales, géopolitiques et technologiques, ont rendu ce cadre obsolète. Un nouveau paradigme émerge : le monde BANI — Brittle, Anxious, Non-linear, Incomprehensible. Cette évolution ne se limite pas à une reformulation sémantique : elle transforme profondément la manière dont les organisations doivent penser leur gouvernance, accompagner leurs équipes, et conduire le changement.
I. Du modèle VUCA au modèle BANI : une mutation de perception
Le modèle VUCA, hérité du vocabulaire militaire américain des années 1990, décrivait un monde marqué par la volatilité des événements, l’incertitude des prévisions, la complexité des systèmes, et l’ambiguïté des décisions. Ce cadre, bien que puissant, partait de l’hypothèse que des solutions existaient, qu’une analyse rigoureuse pouvait dompter l’instabilité.
Mais face à des événements comme la pandémie de COVID-19, la guerre en Ukraine, la montée de l’IA générative, ou les dérèglements climatiques, ce prisme a montré ses limites. Il est aujourd’hui remplacé par BANI, un cadre proposé par Jamais Cascio, prospectiviste reconnu, pour illustrer une réalité encore plus difficile à saisir.
Décryptage des termes de BANI :
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Brittle (fragile) : les systèmes paraissent solides jusqu’au moment où ils s’effondrent brutalement. La résilience devient alors centrale.
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Anxious (anxieux) : l’omniprésence de la menace génère du stress, des anticipations négatives, un climat émotionnel chargé.
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Non-linear (non linéaire) : les causes et les effets ne sont plus proportionnels. Une petite action peut déclencher une crise majeure, et vice versa.
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Incomprehensible (incompréhensible) : la surabondance d’informations, l’accélération technologique et les logiques opaques rendent le réel de plus en plus difficile à décrypter.
II. Ce que le passage de VUCA à BANI implique pour les entreprises
1. Repenser la stratégie : de l’anticipation au pilotage adaptatif
Dans un monde VUCA, les entreprises pouvaient encore prévoir, planifier à moyen terme, modéliser des scénarios. BANI rend cela caduque : les dirigeants doivent apprendre à naviguer dans le brouillard, à décider sans données complètes ni certitudes. Le temps de l’anticipation cède la place à celui de l’agilité mentale, de la réactivité, voire de l’improvisation maîtrisée.

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Des organisations plus plates et décentralisées, capables de prendre des décisions au plus près du terrain.
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Une culture de l’expérimentation continue, où l’erreur n’est plus un échec mais un apprentissage.
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Une posture humble face à la complexité : accepter de ne pas tout comprendre, mais agir avec discernement.
2. Gouvernance : de la stabilité à la résilience
La fragilité systémique (brittleness) impose de ne plus raisonner en termes de robustesse ou d’optimisation, mais de résilience organisationnelle : comment encaisser les chocs, s’adapter rapidement, rebondir.
Cela se traduit par :
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Une diversification des ressources et des compétences.
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Des plans de continuité d’activité régulièrement testés.
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Une gestion des risques intégrant les imprévus profonds et les externalités invisibles.
III. Le management à l’épreuve du BANI
1. Management émotionnel et leadership de présence
L’anxiété généralisée du modèle BANI transforme le rôle du manager. Il n’est plus simplement un leader d’exécution ou un garant de performance : il devient un régulateur émotionnel, un référent de confiance dans l’incertitude.
Les compétences clés du management BANI :
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Intelligence émotionnelle, pour détecter, accueillir et accompagner les émotions individuelles et collectives.
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Présence managériale, pour rassurer sans contrôler, incarner une posture stable dans un environnement instable.
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Communication authentique, claire, empathique, pour maintenir l’engagement malgré le flou.
2. Apprentissage et adaptation en continu
La non-linéarité des événements impose une veille constante et une capacité à remettre en question les pratiques établies. Le management devient un facilitateur d’apprentissage et de désapprentissage.
Mise en œuvre :
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Encourager la culture du feedback permanent.
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Favoriser l’apprentissage transversal entre équipes et métiers.
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Intégrer des rituels de rétro-analyse après chaque projet ou événement significatif.
IV. Collaborateurs : du stress à la quête de sens
1. Hyperconnexion, surcharge mentale et sentiment d’impuissance
Le passage à BANI s’accompagne d’une accélération technologique et d’une explosion de l’information. Cela engendre une fatigue cognitive massive, une charge mentale croissante, et une perte de repères. Le collaborateur est pris dans un maelstrom où il peut perdre le sens de sa contribution.
2. Besoin de sens, d’utilité et de reconnaissance
Dans l’incompréhensible, l’humain cherche des repères de sens. Les collaborateurs exigent davantage de cohérence entre les discours et les actes de l’entreprise, de valeurs incarnées, d’un impact sociétal positif.
Conséquences RH :
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Remettre le sens au cœur des missions : à quoi sert mon travail ? Pourquoi est-il utile ?
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Offrir des espaces de dialogue et de co-construction.
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Repenser la QVCT (Qualité de Vie et Conditions de Travail) non comme un bonus, mais comme un levier stratégique de performance durable.
V. Les réponses possibles : comment s’adapter au monde BANI ?
1. L’anti-modèle : CARE
Face au BANI, certains proposent un cadre complémentaire : le modèle CARE, qui invite à renforcer :
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Clarté face à l’incompréhensible,
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Agilité face à la non-linéarité,
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Résilience face à la fragilité,
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Empathie face à l’anxiété.
Ce modèle ne remplace pas BANI mais propose une grille d’action concrète pour y faire face.
2. Intelligence collective et innovation managériale
Le monde BANI ne se traverse pas seul. Il appelle à :
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Mobiliser l’intelligence collective, les talents cachés et les savoirs distribués.
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Développer des formes de management partagé, de gouvernance collaborative, de “leadership distribué”.
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Miser sur une écologie de l’attention : faire moins, mais mieux, avec plus d’impact.
BANI n’est pas une fatalité, mais une invitation à repenser le travail
Le passage de VUCA à BANI marque une évolution profonde du monde professionnel. Il ne s’agit plus seulement de s’adapter à un environnement instable, mais d’apprendre à vivre dans un monde fracturé, incertain, non linéaire et souvent incompréhensible.
Cela suppose une transformation radicale des organisations, du leadership et de la culture d’entreprise. Le manager devient un guide émotionnel, l’entreprise un organisme vivant, et le collaborateur un acteur de sens.
La bonne nouvelle ? Ce nouveau monde, aussi déroutant soit-il, ouvre aussi un champ immense d’innovation humaine. À condition de le regarder en face — et de faire le choix du courage, de la clarté et de la coopération.
Sources
- E-learning RH sur YouTube
- Les formations pour s’adapter au changement
- Demander une formation sur-mesure







